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Georges Pioch
(PIOCHE Georges, Jules, Charles, dit)

photo parue dans Je sais Tout (15 janvier 1909)

----Georges Pioch naît à Paris (IIe) le 9 octobre 1873.

Auteur, il publie des recueils de poèmes au Mercure de France. Sa participation à la revue Vers et prose de Paul Fort, ses liens avec Saint-Georges de Bouhélier, laissent à penser qu'il opte pour la ligne naturiste, courant littéraire célébrant les travaux et les jours des travailleurs.
Journaliste, Georges Pioch intervient à partir de 1900 au Libertaire à la rubrique littéraire et dramatique.

Rédacteur en chef de Gil Blas en 1910, des Hommes du jour en 1914, il appartient au groupe des intellectuels dont l'engagement pour la libération du Capitaine Dreyfus oriente l'action : à la défense de la Vérité d'une part, au rapprochement des intellectuels et du peuple d'autre part. C'est ainsi qu'en 1914, il participe à la revue mensuelle La Caravane (1) et qu'en 1915, il rejoint la SFIO. En mars 1918, avec Séverine, Han Ryner, Léon Werth, Gérard de Lacaze-Duthiers, Génold et Maurice Wullens, il fonde un hebdomadaire pacifiste et socialiste de brève existence : Franchise.


Comme de nombreux intellectuels proches de Romain Rolland et du courant vitaliste, Georges Pioch est un pacifiste dont le premier conflit mondial exacerbe les convictions. Homme de liberté cependant, il se démarque de certains pacifistes. Sur la raison inavouée que ses porte-paroles sont favorables au conflit, d'aucuns jugent alors l'avant-garde esthétique trop éloignée du peuple, confuse, obscure, voire mystique, et lui témoignent leur hostilité. Au contraire, Georges Pioch écrit dans Les Hommes du Jour son admiration pour Satie (2) et Apollinaire (3), s'opposant ainsi à Génold.

Il approuve aussi les débuts d'un jeune écrivain de la NRF, Pierre Drieu La Rochelle (4).
Après la Première Guerre Mondiale, l'engagement pacifiste de Pioch se lie à l'engagement politique. Pioch intervient pour la Ghilde des forgerons, association très active du pacifisme intellectuel, dans un hommage à Henri Barbusse, avec notamment Jean Longuet et Paul Vaillant-Couturier. Il y insiste sur la nécessité pour les intellectuels " d'aller au peuple " et affirme la solidarité des intérêts des prolétaires et des " travailleurs de la pensée. " (5) Il prépare aussi le programme littéraire de la manifestation organisée sous l'égide du Parti socialiste et des Fêtes du Peuple (6) le 31 juillet 1919 à la Salle des Fêtes du Trocadéro. 8 000 personnes y assistent à un hommage aux morts de la guerre. Pioch retient des textes de Georges Chennevière, Romain Rolland, Marcel Martinet, Walter Hasenclever et Stefan Zweig (7).

Il participe encore, le 23 octobre 1919, à la manifestation qu'organise le journal Clarté en faveur de la révolution russe. 5 000 personnes y entendent les discours de Pioch, de Paul Vaillant-Couturier ou de Charles Rappoport. Louise Lara et René Rocher y disent des poèmes. En 1920, Georges Pioch est secrétaire de la fédération pour la Seine de la SFIO.
A peine terminé le Congrès de Tours resurgissent les tendances dont celle, qu'on dit à droite (8) , des intellectuels pacifistes, imprégnés de conceptions libertaires, opposés à toute armée même rouge, à toute guerre même de défense révolutionnaire, à tout état même socialiste. Parmi eux Georges Pioch et Victor Méric dont Paul Vaillant-Couturier dénonce le " pacifisme tolstoïen ".

A la demande de Trotski, en novembre 1922, l'exécutif élargi de l'Internationale communiste décide l'exclusion des membres du Parti communiste qui, au 1er janvier 1923, n'auraient pas démissionné de deux organisations considérées comme défendant une idéologie petite-bourgeoise : la Franc-Maçonnerie et la Ligue des Droits de l'Homme. Georges Pioch (9) , Victor Méric et Ernest Lafont forment alors un comité de résistance. Ils publient une déclaration dans l'Humanité du 7 janvier 1923 qui met en garde le Parti communiste contre " la volonté qu'ont certains d'anémier et bientôt d'abolir chez les militants le sens critique et l'esprit de discussion ". Ce même jour, tous les membres du comité de résistance sont exclus.
Avec Ferdinand Faure, Frossard, Ernest Lafont, Henry Torrès et Victor Méric, Georges Pioch fonde alors le Parti communiste unitaire, sur la base de la lutte des classes, du refus de la défense nationale en régime capitaliste, de la nécessaire démocratie intérieure dans le parti et de l'indépendance syndicale (10). Avec une partie de l'ancienne équipe rédactionnelle de l'Humanité dont Frossard, Aimé et Victor Méric, il entre à Paris-Soir (11).


Membre de la Ligue des Droits de l'Homme, Georges Pioch s'implique dans le combat que mène Bernard Lecache dans les années 1926-1927 pour Schwartzbard. En 1927, il devient vice-président de la Société des Amis de la colonisation juive en URSS dont l'objectif est de venir en aide aux populations juives de Russie décimées par les pogromes. Au comité de soutien se retrouvent les noms de Séverine, Henri Barbusse, Georges Courteline, Ferdinand Buisson. Henry Torrès est président de cette société qui, tout en souhaitant rester indépendante de toute considération politique, ne cache pas ses sympathies pour le gouvernement des Soviets : de retour d'Ukraine, Bernard Lecache rend hommage à l'URSS qui accorde des terres aux Juifs déshérités.


A la fin du mois de décembre 1930, Pioch crée et préside la Ligue internationale des combattants de la Paix. Romain Rolland en est le président d'honneur, Victor Méric le secrétaire général. Au comité d'honneur figurent Albert Einstein, Stefan Zweig, Upton Sinclair, Paul Langevin, Georges Duhamel, Charles Vildrac, Jules Romains. Il en démissionne en 1937, jugeant qu'elle ne condamne pas assez fermement les procès de Moscou. La même année, il signe avec Jean Giono, Victor Margueritte, Marcel Martinet et Simone Weil une pétition demandant la non intervention dans la question d'Espagne, assortie d'une demande de médiation entre les parties engagées. L'année suivante, Marceau Pivert le fait entrer à Radio-Coloniale où ses chroniques, pacifistes, se déroulent aux moments de grande écoute.
Il se retire de l'activité publique en 1943, après avoir tenu quelques années la chronique musicale et littéraire de l'Œuvre
Il meurt le 27 mars 1953 à Nice.

Publications (12) :

  • Toi, Mercure de France 1896
  • La Légende blasphémée, Mercure de France, 1897
  • Le Jour qu'on aime, Mercure de France, 1898
  • Les Palmes harmonieuses, Mercure de France, 1898
  • Le Saint, drame en un acte, Editions de la Revue d'Art Dramatique, 1902
  • L'Impuissance d'Hercule, Messein, 1904
  • La Bonté d'aimer, Messein, 1905
  • Les Dieux chez nous, Ollendorff, 1912
  • 15 000 ! La Foire électorale, Ollendorff, 1912
  • La Paix inconnue et dolente, vers et poèmes, L'Epi, 1929
  • Vingt ballades frappées à l'effigie de la Paix, Les Ecrivains indépendants, 1930

 

1) La Caravane se veut d'abord littéraire, semble s'interdire toute intrusion dans le domaine politique. Dès 1915, Roland Dorgelès y publie ses premiers poèmes du front. La censure s'inquiète toutefois de l'inflexion pacifiste qu'adopte la revue à partir de 1916. Pourtant, c'est la crise du papier qui a raison de La Caravane. Comme l'Effort libre, La Caravane disparaît en 1918 sur le prétexte que le titre est déjà pris… Elle resurgit sous le nom La République et les Lettres.

2) Les Hommes du Jour 475, 2 juin 1917.

3) Les Hommes du Jour 514, 16 mars 1918.

4)Les Hommes du Jour, 497, 27 octobre 1917.

5) La Forge, 17e Cahier, juillet-août 1919.

6) Association chorale appelée à animer les grands rassemblements populaires, les Fêtes du Peuple est fondée en 1913 par Albert Doyen.

7) Christophe Prochasson, Les Intellectuels, le socialisme et la guerre, Paris, Seuil, 1993, p.83.

8) Histoire générale du socialisme, sous la direction de Jacques Droz, Paris, PUF, 1977.

9) alors suppléant au Comité directeur du Parti communiste

10) Plusieurs de ses dirigeants acceptent de figurer sur les listes de Cartel et rejoignent la SFIO. D'autres accèdent des portefeuilles ministériels. Le Parti socialiste communiste disparaît en 1930.

11) Issu du mouvement libertaire, Eugène Merle fonde Paris-Soir en 1923 et le dirige jusqu'à sa faillite de 1927.

12) auxquelles s'ajoutent les monographies publiées pour Les Hommes du jour, comme Gémier, Romain Rolland, Beethoven…

©Catherine Faivre-Zellner