Harry,
Myriam
(née Maria Rosette Shapira)

Myriam
Harry
(photographie
parue dans Lectures pour tous de décembre 1907)
------Née
le 21 février 1869 à Jérusalem, Myriam Harry est
la cadette d'une famille protestante. Sa mère, allemande, était
diaconnesse dans un hôpital, son père, juif converti, est
originaire d'Ukraine. Très tôt, Myriam Harry voue une indéfectible
admiration à ce père, Guillaume Shapira,
pourtant à l'origine de la ruine et du retour de la famille en
Allemagne. Passionné pour les langues et l'archéologie sémitiques,
celui-ci a ouvert un magasin pour touristes et pélerins dans le
quartier chrétien de la Ville Sainte. Ayant acheté un manuscrit
qui semble être la plus ancienne version du Deutéronome,
il s'embarque, en 1882, pour l'Europe afin de présenter sa découverte
aux différents musées. Mais un savant français, Charles
Clermont-Ganneau, persuade les spécialistes que cette trouvaille,
qui fait pourtant courir tout Berlin et Londres, est un faux. Ebranlé
par ce coup du sort, Shapira se suicide à
Rotterdam où il s'est réfugié.
Pour payer les dettes de son mari, Mme Shapira vend
la maison et la boutique puis retourne, fin 1884, dans sa Hesse natale.
Myriam est laissée, pendant trois ans, en pension dans un lycée
de jeunes filles à Berlin. Alors qu'elle prépare le concours
d'institutrice, elle prétend avoir rencontré le chevalier
Leopold von Sacher-Masoch à qui elle
fait lire quelques écrits de son invention. Bien que reçue
à son concours, elle accepte un poste de répétitrice
à Paris chez un pasteur. Tout en assurant ses cours, elle publie
quelques-uns de ses récits dans la presse berlinoise, devient la
courriériste théâtrale du journal de Sacher-Masoch.
Celui-ci la recommande à Catulle Mendès
(1841-1909) qui l'associe à Marcel Schwob
(1867-1905) pour traduire un livret d'opéra d'Adalbert
von Goldschmidt. Son entrée dans le monde littéraire
français est également marquée par sa liaison avec
Georges Vanor (1865-1906), pseudonyme du
poète symboliste Georges van Ormelingen.
Sa carrière de romancière commence véritablement
en 1898, avec Noël à Bethléem,
un conte paru dans le numéro de Noël de La
Fronde. Enthousiasmée, Marguerite
Durand (1864-1936), la rédactrice en chef de ce journal
féministe, lui commande deux contes par mois. Rassemblés
en volume, ces écrits sont publiés chez Calmann-Lévy,
en 1899, sous le titre de Passage de Bédouins.
Une nouvelle aventure sentimentale l'amène à découvrir
l'Angleterre et parcourir, pendant trois ans, l'Extrême-Orient.
Ce continent lui inspire un recueil de nouvelles, La Pagode
de l'île flottante, paru en 1902 dans Le Journal
et deux romans, Petites Epouses (1902) et
L'Ile de Volupté (1907), respectivement publiés
par Calmann-Lévy et Fayard.
A son retour en France, pour les besoins de son nouveau roman, Myriam
Harry rencontre J.-K. Huysmans (1848-1907)
qui lui avait adressé ses félicitations pour Petites
Epouses. Elle a raconté leur amitié qui a duré
jusqu'à la mort du romancier, dans son recueil de souvenirs Trois
Ombres paru en 1932 chez Flammarion.
A la même époque, elle rencontre son futur époux,
le sculpteur animalier Emile Perrault, fils
du célèbre peintre Léon Perrault.
Ils se marient en mai 1904. La même année, elle achève
La Conquête de Jérusalem, paru chez Calmann-Lévy,
récit qui retrace de façon romancée l'existence de
ses parents et la fin tragique de son père. Enthousiasmé,
Huysmans propose ce titre au jury Goncourt
qui lui préfère pourtant La Maternelle
de Léon Frapié. La Conquête
de Jérusalem est alors récompensé par le prix Fémina,
créé par la revue Vie
Heureuse, en réaction à ce refus des Goncourt de
couronner une femme.
Ce roman lui donne également l'occasion de rencontrer Anatole
France (1844-1924) à qui, sur les conseils des frères
Calmann-Lévy, elle offre un exemplaire.
C'est grâce à l'égérie de l'écrivain,
Mme Arman de Cavaillet, qu'Emile
Perrault obtient une bourse de voyage en Tunisie et qu'elle-même
devient rédactrice au Temps. Pendant deux
ans, 1906 et 1907, elle tient la rubrique "Impressions
tunisiennes". C'est à Carthage que le couple Perrault-Harry
fait la connaissance du docteur Mardrus,
traduteur des Mille et Unes Nuits, et de sa femme
Lucie Delarue-Mardrus, poétesse et
romancière qui deviendra une amie intime de Myriam Harry. Sa visite
de la capitale tunisienne et des environs lui inspire un récit
de voyage, Tunis la Blanche (1910) et deux romans
Madame Petit-Jardin (1909) et La
Divine chanson (1911) tous parus chez Fayard.
A son retour en France, en 1907, elle adhère à la Société
des Gens de lettres, parrainée par les frères Paul
et Victor Margueritte.
L'année 1911 marque le début d'une nouvelle amitié
: celle de Myriam Harry et de Jules Lemaître
(1853-1914) à qui elle a offert un exemplaire de Tunis
la Blanche. Il lui suggère d'écrire ses souvenirs,
aussi lui envoie-t-elle le manuscrit de son nouveau roman La
Petite fille de Jérusalem, lequel retrace son enfance en
Palestine et son départ pour l'Allemagne. Juste avant de mourir,
en 1914, l'académicien désigne Myriam Harry comme héritière
littéraire et préface La Petite fille de
Jérusalem. Ce titre paru chez Fayard
est le premier volume du cycle Siona, du nom de
l'héroïne, il connaît un immense succès. Pendant
la guerre, Myriam Harry s'occupe d'une maison de convalescence pour soldats
musulmans, à Royan. En 1917, elle donne une série de conférences
à l'Université des Annales sur le monde islamique. Jusqu'à
l'armistice, elle ne publie rien, préparant, comme lui avait conseillé
Jules Lemaître, la suite de sa série
avec Siona chez les Barbares devenu plus tard Siona
à Berlin. Ces titres paraissent en 1918; en 1919 c'est Siona
à Paris et en 1921 Le Tendre cantique de
Siona.
Entre 1919 et 1934, Myriam Harry effectue, avec son mari, plusieurs voyages
au Proche-Orient. Ils parcourent la Syrie, le Liban, la Jordanie, l'Iran,
l'Irak, la Turquie, et la Palestine, revenant ainsi pour la première
fois depuis 1884, sur les lieux de son enfance. Cette période est
de loin la plus prolifique de sa carrière : chez Fayard,
elle publie Les Amants de Sion (1923) première
enquête sur les colonies sionistes par une non-juive et La
Vallée des Rois et des Reines : au pays de Toutankhamon (1925),
récit d'un voyage fait en compagnie de Pierre
Benoît (1886-1962). Elle y fait également paraître
deux romans : Le Premier baiser (1927) et Le
Petit prince de Syrie (1929) ; ce dernier titre retrace, de façon
romanesque, sa rencontre avec celui qui est, par la suite, devenu son
fils adoptif. C'est chez Flammarion qu'elle
fait paraître sa première biographie Cléopâtre
(1934), ainsi qu'un recueil de nouvelles Le Mannequin d'amour
(1927), un roman Amina, ma colombe (1931) et quelques
relations de voyage dont La Nuit de Jérusalem
(1928), La Jérusalem retrouvée (1930),
Terre d'Adonis, Au pays des Maronites et des Druzes
(1930), La Tunisie enchantée (1931) et Les
Derniers harems (1933). Ce dernier ouvrage est le résultat
d'une enquête auprès des femmes du Moyen-Orient dont l'avait
chargée par Le Journal.
Le 24 janvier 1934, Myriam Harry est nommée chevalier de la Légion
d'Honneur, en qualité de femme de lettres. A soixante-cinq ans,
elle ne renonce pas pour autant aux voyages. Invitée en 1934 en
Madagascar, elle s'y rend avec son mari et son fils adoptif. Dans D'autres
îles de volupté (1940) paru chez Ferenczi
et fils, elle évoque leur traversée aller et retour,
leur décevante visite de Zanzibar, leur enthousiasme pour La Réunion.
A peine arrivée en Madagascar, elle entame un tour de l'île
qui dure deux mois ; ce périple est d'ailleurs raconté dans
Routes malgaches, le Sud de Madagascar (1943) chez
Plon. Deux figures de l'histoire locale,
la reine Ravalano I et Radame
lui inspirent Ranavalo et son amant blanc,
histoire à peine romancée (1939) paru
chez Flammarion et Radame,
premier Roi de Madagascar (1949) chez Ferenczi.
Ce voyage est le dernier de son existence, son mari meurt en 1938 d'une
pneumonie.
Les années de guerre sont difficiles, Myriam Harry doit prouver
son "aryanité" et voit certaines de ses oeuvres à
succès, comme Les Amants de Sion et la série
des Siona censurées. Elle ne renonce pourtant
pas à l'écriture et fait paraître un titre par an
entre 1939 et 1949. Elle reprend ses anciennes notes de voyage, donne
chez Flammarion Femmes de
Perse, jardins d'Iran et Irak en 1941, La
Princesse Turquoise, roman de la cour de Turquie (1942) et Micador (1944).
toujours chez ce même éditeur, elle fait paraître deux
biographies : La Vie de Jules Lemaître (1946)
et Djelaleddine Roumi, Poète et Danseur mystique
(1947), fondateur de la secte des derviches tourneurs. Elle écrit
et publie la même année Mon amie Lucie Delarue-Mardrus,
chez Ariane. Plus ancien jury du prix Fémina,
elle participe, en 1954, à la célébration de son
cinquantenaire. Elle meurt le 10 mars 1958, à l'âge de 89
ans.
->Oeuvres
de Myriam Harry
Passage
de Bédouins
: Paris : Calmann-Lévy : 1899 cote BnF 8-Y2-51723
La Pagode de l'île flottante : Paris : éd.
des Portiques : s.d cote BnF 8-Y2-76720 (2)
Petites Epouses : Paris : Calmann-Lévy :
1902 cote BnF 8-Y2-53314
La Conquête de Jérusalem : Paris :
Calmann-Lévy : 1903 cote BnF 8-Y2-73355
L'Ile de Volupté : Paris : Fayard : 1908
cote BnF 16-Y2-15799 (19)
Madame Petit-Jardin : Paris : Fayard : 1909 cote
BnF Z. Barrès-20532
Tunis la blanche
: Paris : Fayard, 1910 cote BnF 8-O3i-821
L'Indo-Chine : Vincennes : les Arts graphiques :
1912 cote BnF 8-Lk10-570
La Divine Chanson : Paris : Fayard : 1912 cote BnF
16-Y2-6354 et 8-G-12738
La Petite fille de Jérusalem : Paris : Fayard
: 1914 cote BnF 4-Y2-4195 et Rés. p-Y2-2467
Siona à Berlin (paru sous le titre de Siona
chez les barbares) : Paris : Fayard : 1918 cote BnF 8-Z-23337 (51)
et 8-Y2-63476
Siona à Paris : Paris : Fayard
: 1919 cote BnF 8-Z-23337 (51)
Le Tendre cantique de Siona : Paris : Fayard : 1921
cote BnF 8-Z-21438 (4)
Les Amants de Sion : Paris : Fayard : 1923 cote
BnF 8-O2F-1266
La Vallée des Rois et des Reines : au pays de Toutankhamon
: Paris : Fayard : 1925 cote BnF 8-O3i-1077
La Vie amoureuse de Cléopâtre : Paris
: Flammarion : 1926 cote BnF 8-O3a-1897
Le Mannequin d'Amour : Paris : Flammarion : 1927
cote BnF 8-Y2-72796
Le premier Baiser : Paris : Fayard : 1927 cote BnF
8-Y2-85931 (10) et 8-Y2-87951 (6)
La Nuit de Jérusalem : Paris : Flammarion
: 1928 cote BnF rés. P-Y2-1308 et 8-O2f-1309
Le petit Prince de Syrie : Paris : Fayard : 1929
cote BnF 8-Y2-74560
Terre d'Adonis. Au pays des Maronites et des Druzes :
Paris : Flammarion : 1930 cote BnF 8-O2e-660
La Jérusalem retrouvée : Paris : Flammarion
: 1930 cote BnF 8-Y2-75989
Amina, ma colombe : Paris : Flammarion : 1931 cote
BnF 8-Y2-61866 (2, 117) et 6-Y2-5489 (11)
La Tunisie enchantée : Paris : Flammarion
: 1931 cote BnF 8-O3i-1077
Trois ombres. J.-K. Huysmans, Jules Lemaître, Anatole
France : Paris : Flammarion : 1932 cote BnF 8-Ln9-378
Les derniers Harems : Paris : Flammarion : 1933
cote BnF 8-G-12738
Cléopâtre : Paris : Flammarion : 1934
cote BnF 8-Y2-81124
Les Adorateurs de Satan : Paris : Flammarion : 1937
cote BnF 8-O2a-631
Ranavalo et son amant blanc, histoire à peine romancée
: Paris : Flammarion : 1939 cote BnF 8-Y2-85947
D'autres îles de volupté : Paris :
Ferenczi & fils : 1940 cote BnF 8-Z-22172 (338)
Femmes de Perse, Jardins d'Iran : Paris : Flammarion
: 1941 cote BnF 8-O2h-869
Irak : Paris : Flammarion : 1941 cote BnF 8-O2d-727
La Princesse Turquoise, roman de la cour de Turquie :
Paris : Flammarion : 1942 cote BnF MFICHE 8-Y-23337 (91)
Routes malgaches, le Sud de Madagascar : Paris :
Plon : 1943 cote BnF 16-Lk11-1503
Micador : Paris : Flammarion : 1944 cote BnF 16-Y2-1392
La Vie de Jules Lemaître : Paris : Flammarion
: 1946 cote BnF 16-Ln27-83010
Mon Amie Lucie Delarue-Mardrus : Paris : Ariane
: 1946 cote BnF 16-Ln27-83063
Djelaleddine Roumi, Poète et Danseur mystique
: Paris : Flammarion : 1947 cote BnF 4-O2h-906
Sous le signe du taureau : le Sud de Madagascar
: Paris : A. de Chabassol :1947 cote BnF 16-Li33-55
Damas, Jardin de l'Islam : Paris : Ferenczi &
fils : 1948 cote BnF 16-O2a-745
Radame, premier roi de Madagascar : Paris : Ferenczi,
1949 cote BnF 16-Lk11-1595 et Z. Barrès-20533
Cette notice a
pu être écrite grâce à la biographie de Mme
Cécile Chombard Gaudin : Une
Orientale à Paris. Voyages littéraires de Myriam Harry,
éd. Maisonneuve & Larose, coll. "Femmes en Orient",
Paris, 2005.
©Nelly Sanchez
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