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GUSTAVE
LE ROUGE
Gustave Le Rouge
en costume d'interne
du collège de Cherbourg, circa 1885, coll. H.Bordillon
------Gustave Le Rouge, dont le nom doit
s'orthographier en deux mots, malgré l'Etat-Civil, est né
à Valognes (Manche) le 22 juillet 1867, au numéro 7 de la
rue de Poterie. Son père prit la suite de son grand-père
à la tête d'une petite entreprise de peinture en bâtiment.
Spécialisés dans les travaux de dorure, ils restaurèrent
de nombreux autels ou churs d'églises du Nord Cotentin.
Après des études primaires à l'école communale
de garçons puis au collège de Valognes, dirigé par
des Eudistes, Gustave Le Rouge poursuivit ses études au collège
de Cherbourg entre 1881 et 1886, aspirant à préparer le
concours d'entrée à l'Ecole navale. Trop faible en mathématiques,
il dut en rabattre, et revenir vers les classes préparant au baccalauréat
ès-Lettres. C'est durant cette période qu'il connut Jules
Tellier, natif du Havre, jeune homme brillant et poète précoce,
qui fut nommé à vingt ans tout juste titulaire de la chaire
de Rhétorique du collège de Cherbourg. Mais Le rouge et
lui ne firent que se croiser : contrairement à une idée
reçue, Tellier ne fut jamais le professeur
de Le Rouge
------Gustave Le Rouge obtient son baccalauréat
ès-Lettres en août 1886 ; il s'inscrit alors à la
faculté de Droit de Caen, où il fut étudiant trois
années. Durant cette période, il semble avoir été
rédacteur à un jeune hebdomadaire local, d'inspiration républicaine
: Le Matin Normand.
Ses premiers textes littéraires sont publiés dans de petites
revues comme Les
Abeilles Normandes ou La Revue septentrionale.
A quelques semaines de l'examen terminal de Licence, il tombe amoureux
de l'une des quatre écuyères du cirque Priami.
Ses parents interviennent et y mettent bon ordre. Le cirque repartit vers
son destin, et Le Rouge obtint sa Licence en Droit en septembre 1889.
Il monte à Paris pour poursuivre ses études (il loge alors
rue Saint-Sulpice). En mars 1890, il rencontre Verlaine,
qu'il fréquentera jusqu'au jour même de sa mort. Il commence,
aussi, à fréquenter les soirées de
la Plume, où il lit parfois de ses sonnets, et il devient
un familier du poète et dessinateur F.-A.
Cazals, avec qui il publiera, en 1911, aux éditions du Mercure
de France :" Les Derniers jours de Paul Verlaine".
-------Pendant près de dix années,
Gustave Le Rouge, empreint d'un idéal oscillant entre anarchisme
et socialisme, publie proses ou sonnets dans diverses petites revues (L'Art
social, La Revue rouge, Le
Procope, La Revue d'un passant
)
et exerce les métiers les plus divers. Il fut ainsi marionnettiste,
chansonnier, acteur à l'occasion ; il s'essaya même, avec
son ami Adolphe Gensse, à diriger
le Théâtre d'étude, mort-né. Auteur de piécettes
jouées sur la scène du Procope ou du Chat rouge, il fut
aussi secrétaire de rédaction de la revue L'Epreuve
(en 1895) puis, avec Adolphe Gensse,
de La Revue d'un passant (de 1896 à 1903).
Trop souvent à court d'argent, Gustave Le rouge solda en 1896 sa
part sur l'héritage de sa mère, morte six ans plus tôt,
contre la somme de 10.000 francs - ce qui n'était pas rien mais
ne fit pas long feu. En 1900, il est sans le sou : il doit vendre à
la hâte le tableau que Georges-Daniel de Monfreid,
l'ami de Gauguin, avait fait de lui en 1896
------Ses premiers volumes paraissent en
1899. Cette année-là, en effet, paraît "Le Marchand
de nuages", recueil de poèmes sans doute édité
à compte d'auteur, dont on ne connaît aucun exemplaire, et
plusieurs volumes en collaboration : "Le Quartier Latin", avec
Georges Renault, et "La Conspiration
des milliardaires", avec Gustave Guitton.
La collaboration avec ce dernier portera sur plusieurs romans, parus chez
des éditeurs de séries populaires : A.-L.
Guyot et A. Méricant : "Les
Conquérants de la mer" et "La princesse des airs"
(1902), "Le Sous-marin Jules Verne " (1903). Cette collaboration
s'arrêtera brusquement. Il est probable que la republication, en
1903, sous le seul nom de Gustave Guitton,
des "Conquérants de la mer" en soit la cause. Il est
sûr, en tout cas, que toute réédition en langue française
de leur production commune sera gelée pour une dizaine d'années,
au grand regret de Guitton
Portrait de Gustave Guitton, coll. H. Bordillon
Dans
les toutes premières années du vingtième siècle,
Gustave Le rouge fait deux séjours en Tunisie (1901 et 1902), aussi
décevants l'un que l'autre. Le 8 novembre 1902 , quelques mois
après la mort de son père, il se marie avec Juliette
Henriette Torri, dite " Riri
", couturière de son état, et modèle du sculpteur
Emile Bourdelle. Le couple vit d'abord au
1 bis, rue Lacaille puis s'installe au 17, rue des Apennins, dans une
maison que Zola occupa trente ans auparavant.
------A cette période, Gustave Le
Rouge rencontre Hugues Rebell, par l'entremise
de son secrétaire, le mystérieux et fantasque Schilt
de Monclar. Il commence, en 1904, à publier sous son nom
seul plusieurs romans pleins de verve et d'imagination : "La Reine
des éléphants", "L'Espionne du Grand Lama"
Peu après la mort de " Riri
", il donne en 1909, à quatre mois d'écart, chez l'éditeur
Méricant, les deux volumes de son
roman martien : "Le prisonnier de la Planète Mars" et
"La Guerre des vampires".
A partir de novembre 1912, il publie en 18 fascicules mensuels ce que
beaucoup considèrent comme son chef-d'uvre : "Le Mystérieux
Docteur Cornélius", roman que Cendrars
lira ciseaux en main ; il en sortira l'essentiel du recueil : "Kodak"(1924).
Après la bataille de la Marne, Gustave Le Rouge devient correspondant
de guerre et chroniqueur du journal L'Information,
ce qu'évoque Le Carnet d'un reporter, en 1918. A la fin de la guerre,
il entre au Petit Parisien. C'est là qu'il
rencontrera, en 1919 probablement, le poète
Blaise Cendrars.
-------Gustave Le Rouge se remarie le 14
septembre 1920 avec Françoise Vialloux,
de quinze ans sa cadette, qui est défigurée par un lupus,
comme Remy de Gourmont. Il partage avec elle
un modeste appartement au cinquième étage de l'immeuble
du 46, rue Lacroix . Tout en collaborant à divers périodiques,
il poursuit sa carrière de romancier populaire ("Les Aventures
de Todd Marvel", 1923), orchestrant la réédition de
ses romans antérieurs, dont parfois seul change le titre, ce qui
est très suffisant pour le déclarer " inédit
"
Quelque temps après la création des Nouvelles
littéraires (octobre 1922), il fréquente son rédacteur
en chef, Frédéric Lefèvre,
et le petit groupe que composent le dessinateur et critique Jean
Texcier, le poète Vincent Muselli
et le romancier Marcel Hamon, qui sera son
médecin personnel durant ses douze dernières années.
photographie de
Gustave Le Rouge
dans les années 1930, coll. H. Bordillon
-------En 1928, Gustave Le Rouge publie chez
Marcel Seheur : "Verlainiens et décadents",
volume de souvenirs centré sur Jules Tellier,
Paul Verlaine et Hugues
Rebell. Durant l'été et l'automne de cette même
année, dans les colonnes des Nouvelles littéraires,
il complète ces souvenirs par des pages sur
Léon Bloy, Barbey d'Aurevilly
ou Laurent Tailhade
Gustave Le rouge meurt à l'hôpital Lariboisière, d'un
cancer de la prostate, le 24 février 1938. Il était officier
des Palmes académiques, pensionnaire (depuis quelques mois seulement)
de la Société des Gens de Lettres, fier d'avoir été,
sa vie durant, un " écrivain professionnel " et jusqu'au
bout Normand dans l'âme (il avait collaboré avec Louis
Beuve). Françoise, sa seconde
femme, lui survécut trois ans ; aidée par l'une de ses surs
et le couple Hamon, elle vivait dans un quasi-dénuement.
Durant l'Occupation, dans des circonstances un peu obscures, aujourd'hui
encore, tous les papiers personnels de Gustave Le Rouge furent détruits.
Si le nom de Gustave Le rouge était presque oublié à
sa mort, les pages -assez fantaisistes, du reste - que Blaise
Cendrars lui consacre dans "L'Homme Foudroyé",
puis les rééditions faites par Hubert
Juin et surtout par Francis Lacassin,
à partir des années 1960, ont contribué à
renouveler l'intérêt pour l'homme et pour son uvre.
©Henri
Bordillon
A consulter :
Roger Dévigne : Un Ermite du roman-feuilleton, Gustave Le Rouge,
dans : L'Almanach du lettré 1926, Grasset éd., 1925,pp.
167-169
Jean
Cabanel (Jean Texcier) : Gustave Le Rouge, dans : Triptyque, n°15,
février 1928, pp. 3-8
Georges
Charensol : Les Illustres inconnus, n°7 : Gustave Le Rouge,
Les Nouvelles littéraires, 8 août 1931, page 5
Francis
Lacassin : Introduction à : Gustave Le rouge, Le Mystérieux
Docteur Cornélius [
], coll. Bouquins, Robert Laffont
éd., 1986, pp. 7-24
Henri
Bordillon : Images et portraits de Gustave Le Rouge, à paraître.
Bibliographie
:
Pour une bibliographie
très complète des uvres de Gustave le Rouge, nous
renvoyons au remarquable travail de Francis Lacassin, publié à
la fin de : Gustave Le Rouge, L'Amérique des dollars et du crime,
coll. Bouquins, Robert Laffont éd., 1993, pp. 1145-1160.
Nous nous contentons de donner ici une liste des oeuvres publiées
par Gustave Le Rouge, précisant les éventuels collaborateurs,
le genre quand il ne s'agit pas d'un roman, l'éditeur et la date
de la première publication en volume.
***
Contes
à la vapeur pour rire en wagon, contes, (avec Gustave Guitton),
Didier et Méricant,
1898 (?)
Le Quartier Latin, essai,
(avec Georges Renault), Flammarion, 1899
Le Marchand
de nuages (poèmes),
[éditeur inconnu], 1899(?)
La Conspiration des milliardaires, (avec Gustave
Guitton), A.-L. Guyot, 1899-1900
La
Princesse des airs, (avec Gustave Guitton),A.-L. Guyot, 1902
Les
Conquérants de la mer, (avec Gustave Guitton), Méricant,
1902 (?)
Le
Sous-marin "Jules verne ",(avec Gustave Guitton),
Méricant, 1903
La
Fiancée du déserteur,
A.-L. Guyot, 1904
Le Voleur de visages, Méricant, 1904
Amours d'esclave, Méricant, 1905 (?)
L'Espionne
du grand Lama, Méricant, 1905 (?)
Les Ecumeurs
de la Pampa,
Méricant, 1905 (?)
La Reine
des éléphants,
Fayard, 1906
Le Secret
de Madame Gisèle,
Méricant, 1908 (?)
Le Prisonnier
de la planète Mars,
Méricant, 1909
La Guerre
des vampires,
Méricant, 1909
Les
Derniers jours de Paul Verlaine, document littéraire, avec
Frédéric-Auguste Cazals), Mercure de France, 1911
Le Secret
de la Marquise,
Vermot, 1912
La
Mandragore magique, essai, Darangon, 1912
Turquie,
anthologie commentée, Darangon, 1912
Le Mystérieux
Docteur Cornélius,
Maison du livre moderne, 1912-1913
La
Vengeance du Docteur Mohr, Nilsonn, 1914
Le
Fantôme de la danseuse, Nilsonn, 1914
La
Rue hantée, Nilsonn, 1914
Le
Masque de linge, Nilsonn, 1914
La Dame
noire des frontières (1914-1915),
Tallandier, 1923
Nos
Gosses et la guerre, essai, Lasnier, 1915
Nos
Bêtes et la guerre, essai, Lasnier, 1915
Eux
et nous, essai, Lasnier, 1915
Le
Tapis empoisonné, Nilsonn, 1916
Le Crime
d'une midinette,
Nilsonn, 1916
Le
Fils du naufrageur, Nilsonn, 1916
La
Seconde femme, Nilsonn, 1916
Reims
sous les obus, (" par un Rémois "), témoignage,
Rouff, 1917
L'Espionne
de la marine,
Rouff, 1917
Le
Journal d'un otage, témoignage, Rouff, 1917
Le Carnet
d'un reporter, témoignage,
Rouff, 1918
Mademoiselle
Jeanne, Librairie
de la collection " Les petits chefs-d'uvre ", 1918
L'Héroïne
du Colorado (1918), (avec Henry de Brisay), Laffont, 1987
Amis d'enfance,
Librairie de la collection " Les petits chefs d'uvre ",
1919
Un Drame
de l'invasion,
Tallandier, 1920
"
La Gazette des Ardennes ",
document, (avec Louis Chassereau) Tallandier, 1920
Mystéria,
La Renaissance du livre, 1921
L'Héritière
de l'île perdue, La Renaissance du livre, 1922
Savoir
manger, anthologie commentée de textes de Brillat-Savarin,
Nilsonn, 1922
Les Aventures
de Todd Marvel,
Nilsonn, 1923
Les
Chefs-d'uvre de la littérature fantastique, anthologie,
(non signé), Nilsonn, 1924
Les Chefs-d'uvre
de la littérature mystérieuse,
anthologie, (non signé), Nilsonn, 1924
Les Chefs-d'uvre
de l'occultisme,
anthologie, (non signé), Nilsonn, 1925
Un
Coup de sang, Rouff, 1927
La
Vallée du désespoir (1927-28), Collection 10/18,
1988
Verlainiens
et décadents, souvenirs, Seheur, 1928 ; une édition
augmentée des feuilletons parus entre août et décembre
1928 dans les Nouvelles littéraires est parue, sous le même
titre, chez Julliard, en 1993
Le
Mystère de Blocqueval, Tallandier, 1929
Derelicta,poèmes,
Seheur, 1930
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