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Félix Fénéon

Portrait de Félix Fénéon par Jeanne Picq

------Né le 29 juin 1861 à Turin, Louis, Félix, Jules, Alexandre, Elie Fénéon est le fils d'un voyageur de commerce bourguignon et d'une Suissesse. Il fait de bonnes études secondaires à Mâcon. Après son service militaire, il passe en 1881 le concours de recrutement des rédacteurs au ministère de la Guerre où il sera un employé modèle et s'installe à Paris.

L'animateur symboliste et le critique du néo-impressionnisme (1883-1890)

Fénéon se distingue comme animateur de revues et rédacteur de critiques d'art et de littérature.
En 1883 il est le secrétaire de rédaction de La Libre revue ; en 1884, il fonde la Revue indépendante ; de 1885 à 1890, il anime La Vogue dirigée par Gustave Kahn, la Revue wagnérienne et la Revue indépendante auprès de Dujardin, de Wyzewa et de Kahn, collabore au Symboliste et à L'Art moderne de Bruxelles, aide Lecomte à créer La Cravache.
C'est lui qui présente en 1886 les Illuminations dans La Vogue. Il se lie à Laforgue dont il publiera fidèlement les inédits après sa mort.
Il découvre Une baignade, Asnières et Seurat au Salon des artistes indépendants de mai 1884 et il publie deux ans plus tard une plaquette Les impressionnistes qui définit les règles de la peinture qu'il appelle néo-impressionniste. Admirateur de Charles Henry, il devient l'ami et le défenseur du groupe. Il présente Signac et Kahn dans Les Hommes d'aujourd'hui.
L'attitude critique de Fénéon, faite de scrupules et d'attention méticuleuse, sa grande sensibilité et son style d'une précision descriptive clinique et sèche, en font un critique exceptionnel, créateur de la modernité en ce domaine.
Il rédige avec Adam, Méténier et Moréas le Petit Bottin des lettres et des arts et avec Paul Adam qui signe Plowert un Petit glossaire pour servir à l'intelligence des auteurs décadents et symbolistes. Ses citations, qui parsèment ce dernier ouvrage montrent sa virtuosité dans l'appropriation de termes techniques, tout à fait novatrice à l'époque.


Le compagnon de route des anarchistes (1891-1894)

En 1891, la mort de Seurat après celle de Laforgue frappe Fénéon. Il collabore au Chat Noir, à La Plume, et à L'Endehors, journal de son ami Zo d'Axa auquel il livre des chroniques de faits divers intitulée " Hourras, tollés et rires maigres ". En 1892 et 1893, avec Descaves, Barrucand et quelques compagnons, il réussit l'exploit de poursuivre anonymement la publication de la revue de Zo d'Axa réfugié à Londres ; il y côtoie Emile Henry qui va commettre deux attentats et sera guillotiné. A l'automne 1893, il reporte sa collaboration vers Le père Peinard, la Revue anarchiste, puis la Revue libertaire. Ces feuilles étant tour à tour fermées par la répression renforcée en décembre des lois scélérates, il se rapproche de la Revue Blanche qui accueille en avant-coureurs Charles Henry et Barrucand, et installe provisoirement Léon Blum comme gérant à la place de Muhlfeld.
En avril 1894, dans le cadre des rafles policières, une perquisition est faite au bureau de Fénéon au ministère où on découvre un flacon de mercure et des détonateurs provenant vraisemblablement de l'arsenal d'Emile Henry déménagé par les compagnons à la barbe de la police après son arrestation. Arrêté, Fénéon fait partie des inculpés du procès des Trente. Thadée Natanson organise sa défense, fait appel à Demange qu'il assiste comme avocat stagiaire, cite comme témoins Charles Henry et Mallarmé qui avait dit, dans une interview, qu'il n'y avait pas, pour Fénéon, de meilleurs détonateurs que ses articles. Ses réponses insolentes montrent son maniement hors pair de la dialectique pour nier tout contre la vraisemblance. Le jury est indisposé ; le partage des voix lui vaut l'acquittement comme pour l'ensemble des accusés politiques.
Les lecteurs des journaux ont alors fait la découverte de ce personnage que les journalistes ont décrit comme une sorte de dandy yankee.


Le secrétaire de rédaction de la Revue Blanche (1895-1903)

Durant plus de huit ans Fénéon dirige la rédaction de la revue à laquelle il s'identifie en suivant les orientations des frères Natanson avec lesquels il partage beaucoup d'options politiques, littéraires et artistiques. Il y introduit ses amis anarchistes, Zo d'Axa, Pouget, Malato, Cohen, Steens, Remy, Signac, Luce, Steinlen, Van Dongen, Marquet… Il organise en 1897 une Enquête sur la Commune et contribue à l'engagement de la revue dans le combat dreyfusard.
Secrétaire de rédaction, il conseille les auteurs débutants, structure les numéros en imposant des textes brefs et documentés, négocie des contrats, rédige des présentations laconiques, corrige les épreuves, choisit des illustrations. Il paraît sur la scène amie du théâtre de L'Oeuvre, soutient Jarry, suscite des publications exceptionnelles comme le manifeste de Signac et Noa Noa de Gauguin, organise dans les bureaux de la revue la première exposition rétrospective de Seurat.
Il signe avec Barrucand des Passim, commentaires à l'humour noir sur l'actualité, écrit quelques chroniques, des traductions de Poe, de Jane Austen et de Dostoïevski. Il rédige deux des textes des Rassemblements, manifeste collectif de la rédaction, composé de récits inspirés par des gravures de Vallotton.
Dans les premières années du XXème siècle, il pilote à la fois la Revue Blanche et ses Editions qui inscrivent à leur catalogue la prestigieuse traduction des Mille et une nuits par le Dr Mardrus, et Quo Vadis, best seller de Sienkiewicz, et des essais politiques.


Le journaliste et le directeur de galerie (1906-1926)

A la fin de l'année 1902, six mois avant la fin de la revue, Fénéon trouve un emploi administratif au Figaro. En mai 1906, il devient un des rédacteurs de la rubrique des " Nouvelles en trois lignes " créée par Le Matin à la fin de l'année précédente.
Cet exercice lui donne l'occasion de porter à son apogée sa virtuosité dans la condensation du reportage de faits divers. Les initiés du Tout Paris se délectent à lire chaque jour ses contributions qu'Apollinaire qualifiera d'immortelles. En 1944, Jean Paulhan aura la bonne idée de regrouper les 1210 nouvelles identifiées. On découvre alors un véritable tableau de la société prolétaire de l'époque, constitué de l'assemblage de touches contrastées comme les tableaux néo-impressionnistes qu'il admirait tant.
C'est aussi en 1906 que Fénéon devient le directeur artistique de la section d'art moderne de la galerie Bernheim-Jeune. Il gardera ses fonctions jusqu'à sa retraite en 1925. Il développe les contrats avec les peintres - successivement signataires Bonnard, Vuillard, Cross, Signac, Matisse, Van Dongen - qui obtiennent ainsi un revenu garanti sans aliéner leur liberté. Il organise en 1912 la première exposition parisienne des peintres futuristes… et constitue une remarquable collection de tableaux et de sculptures nègres.
En 1914, il lance le Bulletin de la vie artistique financé par la galerie et après la guerre, il succède à Cendrars à la direction technique des éditions de La Sirène où il aura le mérite de publier en 1923, Dedalus, de Joyce.


Le mythe Fénéon

Retiré, Fénéon reste fidèle à ses convictions, se déclarant communiste et hissant le drapeau rouge sur son immeuble pour fêter le succès du front populaire. Il aide de son témoignage les travaux sur Rimbaud et Seurat, impressionnant ceux qui l'interrogent par son imperturbable courtoisie et sa précision exceptionnelle de langage. Marie Van Rysselberghe, la " petite dame " de Gide, qui le fréquente depuis le siècle précédent, le décrit avec admiration.
Paulhan, son dernier ami, publie, quelques mois avant sa mort, un recueil de ses écrits précédé d'une introduction : FF ou le critique. Fasciné par le personnage et la convergence de ses réponses avec son propre cheminement, il fait de Fénéon le mythe du critique infaillible qui termine logiquement dans le silence. Quelques décennies plus tard, Joan Halperin, en publiant une biographie, inventera un autre mythe de Fénéon, celui d'un écrivain passé à l'acte terroriste en 1894 (attentat Foyot).
Ces deux mythifications montrent l'extraordinaire force qui émanait de celui que Jarry appelait " Celui qui silence " et dont Nadeau écrit qu' " il n'est finalement pas d'autres mots pour définir son attitude que celui d'absolue loyauté ". Félix Fénéon s'éteint le 29 février 1944, dans la maison de Chateaubriand qu'il habitait à la Vallée-aux-Loups.

© Paul-Henri Bourrelier.

Voir une lettre de Félix Fénéon à Laurent Tailhade

Œuvres

Les Impressionnistes en 1886, Paris, publications de la Vogue, 1886, 43 p.
Cote BnF :8- V PIEC

Petit Bottin des lettres et des arts, Paris, E. Giraud, 1886, 181 p., par Paul Adam,
Oscar Méténier, Jean Moréas et Félix Fénéon. Cote BnF : RES 16- LN9- 420.
(réédition en fac-simile Du Lérot, en 1990, avec une présentation de René-Pierre Colin)

Jean Moréas, in Les Hommes d'aujourd'hui, N °268 (année1886), 4 p., cote BnF : Richelieu - Arts du spectacle - magasin : 8- RF- 67673.

Les Derniers vers de Jules Laforgue
: des Fleurs de bonne volonté, le Concile
féérique, Derniers vers, édités, avec toutes les variantes, par Édouard Dujardin et Félix Fénéon . Tours, imprimerie de Deslis, 1890, VIII-301 p., cote BnF : RES P- YE- 182

Lettres d' Edgar Allan Poe,.... traduction par Félix Fénéon, extrait. de la Revue Blanche du 1er février 1895, pp. 102-112, cote BnF : Richelieu - Arts du spectacle - magasin
8- RE- 11513

Catherine Morland, roman de Jane Austen, traduit de l'anglais, par Félix Fénéon, Paris, éditions de la Revue blanche, 1899, 364 p., cote BnF : MFICHE 8- Y2- 52428.
(réédition Gallimard, collection Les Classiques anglais, 1946, puis Gallimard, collection L'Imaginaire, 1980)

Un Adolescent, roman de Dostoievski, traduit du russe par J. W. Bienstock et Félix Fénéon, Paris, Édition de la Revue Blanche, 1902, 620 p., cote BnF : 8- Z WAHL- 274.
(nouvelle édition, Fasquelle, Bibliothèque Charpentier, 1923, 2 volumes de 310 p.)

Œuvres, introduction de Jean Paulhan, Paris, Gallimard, 1948, 479 p., cote BnF : MFICHE 16- Z- 2671.

Illuminations d'Arthur Rimbaud, édition critique avec introduction et notes par Henry de Bouillane de Lacoste, en appendice, extraits de lettres de Félix Fénéon à l'auteur, de 1939 à 1942, Paris, Mercure de France, 1949, 205 p., fac-similé, cote BnF : 16- YE- 1577

Au-delà de l'impressionnisme, textes réunis et présentés par Françoise Cachin, Paris, Hermann, 1966, 187 p., cote BnF : libre-accès - Littérature et art - Salle W - Art
709.440 9.

Œuvres plus que complètes, textes réunis et présentés par Joan U. Halperin, Genève-Paris, Droz, 1970, 2 volumes (LXVIII-1088 p.), cote BnF : 8- Z- 39973 (107,1) pour le volume 1 et 8- Z- 39973 (107,2) pour le volume 2.

Nouvelles en trois lignes, (extraits), lithographies de Topor, Monaco, recueil de textes extraits du Matin (1906). Sauret, 1975, 38 p., cote BnF : RES ATLAS- Z- 37.

Lettres à Francis Vielé-Griffin (1890-1913) et documents annexes, présentation et annotation par Henry de Paysac, Tusson, du Lérot, 1990, 176 p., cote BnF : libre-accès - Littérature et art - Salle V - Littératures d'expression française : 84/34 FENE 2 l.

Nouvelles en trois lignes, édition présentée par Patrick et Roman Wald Lasowski, illustrées par Félix Vallotton, recueil de textes extraits du Matin (1906). Paris, éditions Macula, 1990, 180 p. Cote BnF : libre-accès - Littérature et art - Salle T - 070.094 1 MATI f ;
(seconde édition en 2002)

Trois lettres inédites, présentées par Jean-Paul Goujon, Reims, Éditions A l'écart, 1991, 17 p., cote BnF : 16- Z- 28047 (23).

Correspondance Félix Fénéon - Jacques Rodrigues-Henriques, 1906-1942
, édition établie par Jean-Paul Morel, avec la participation d'Isabelle de La Brunière, Paris, Séguier, 1996. 149 p., cote BnF : 4- D4 MON- 820.

Nouvelles en trois lignes et autres textes courts, présentation et notes par Hélène Védrine, Paris, Librairie générale française, Le livre de poche. Biblio, 1998, 251 p.

Nouvelles en trois lignes, volume II, choix et préface de Régine Detambel, Paris, Mercure de France, 1998, 91 p., cote BnF : 1999- 29381.

Nouvelles en trois lignes, extraits, illustrations de Pasacle Boillot, Paris (64 rue Condorcet, 75009), 1999, non paginé, cote BnF : Richelieu - Estampes et photographie - magasin
Dc-2413-4 .

Iront-ils au Louvre ? enquête sur des arts lointains, par Félix Fénéon, précédemment publié dans le Bulletin de la vie artistique (Paris, 1920), Toulouse : Toguna, 2000, 22 p., cote BnF : 2000- 71248.

Correspondance de Fanny & Félix Fénéon avec Maximilien Luce, ill. par Luce de portraits originaux ; éd. établie par Maurice Imbert, Tusson, du Lérot, 2001, 50 p., cote BnF : 2002- 124346.

Petit supplément aux Oeuvres plus que complètes, édition établie par Maurice Imbert, Tusson, Du lérot, 2003, 105 p., cote BnF : libre-accès - Littérature et art - Salle V - Littératures d'expression française 84/34 FENE 2 o.

Sur Félix Fénéon :

Willy, extrait du Nouvel Echo, N °4, 15 février 1892, pp. 97-99, cote BnF : Richelieu - Arts du spectacle - magasin: 8- RF- 74714.

Catalogue de la vente de la collection Félix Fénéon à l'Hôtel Drouot le 4 décembre 1941, Paris, Drouot, 1941, 56 p. British Library: Holdings (BL) YA.1993.b.10433.

Le Procès des Trente, vu à travers la presse de l'époque…, édition établie par Maurice Imbert, Histoires Littéraires & Du Lérot, éditeur, supplément à Histoires Littéraires, n°20, 2004, 64 p.

Félix Fénéon: art et anarchie dans le Paris fin de siècle par Joan Ungersma Halperin ; traduit de l'anglais par Dominique Aury, Gallimard, 1991, 439 p.
Cotes BnF : Tolbiac - Haut-de-jardin - Littérature et art - Salle H -
84/34 FENE 5 HA & Rez-de-jardin - 8- LN27- 97121

F.F. ou Le critique
par Jean Paulhan
Paris : C. Paulhan, 1998, 170 p. Cotes BnF : Tolbiac - Haut-de-jardin - Littérature et art - Salle H - 84/4 PAUL 4 f & - Rez-de-jardin - libre-accès - Littérature et art - Salle V -
84/4 PAUL 4 f