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JEAN-PAUL CLARENS
(JEAN-PIERRE CABANES)

 


-----Né à Bordeaux le 17 octobre 1857, fils d'Henry Cabanes et Marie Tandonnet, avocat à 21 ans, Jean-Pierre Cabanes, avait pris pour pseudonyme "Clarens", nom d'une source qui se trouvait dans la propriété familiale de Laroque à Casteljaloux (Lot-et -Garonne). Mort le 22 janvier 1905 à Laroque. Petit-neveu du philosophe Joubert par son père, il était devenu par son mariage avec Suzanne Requier, le 17 janvier 1882, le neveu de Pierre Magne, homme politique et ministre sous le Second Empire et la IIIème République. "La maladie brisa très tôt sa carrière d'avocat".

---- Critique d'art au Nouvelliste et au Bordeaux, revues bordelaises, il a publié sous le nom de Clarens de nombreux ouvrages: "Ces Messieurs du Barreau", Féret & Fils, Bordeaux, 1883, portraits-charges des avocats bordelais; "Bolivar, sa vie, son oeuvre", Féret, Bordeaux, 1883 ; "Terre ou feu?", Dentu, Paris, 1884, étude sur la crémation; "La Névrose", monologue, Maleville, Bordeaux, 1884; "Ecrivains et penseurs", essais critiques précédés d'une préface de Sully-Prudhomme, Ollendorf, Paris, 1886; "Réaction", études critiques, Savine, Paris, avril 1888, études consacrées à Joubert, Amiel, G. Sand, Caro, au peintre Jules Breton, à Arsène Houssaye, Sully-Prudhomme, Paul Bourget, Pierre Loti, Paul de Saint-Victor et Renan (1) ; "Heures vécues", Savine, Paris (2) ; "Un grand ignoré", Savine, Paris; "Joubert", Savine, Paris; "Strada", Ollendorf, Paris, 1892, ouvrage couronné par la Société nationale d'encouragement au Bien, Grande médaille d'or 1892, Médaille d'honneur 1894 (3) ; "Tête et cœur", proses lyriques, Ollendorf, Paris; "L'éternelle douleur", poésies, Ollendorf, Paris, 1896 (4) ; "M. Brunetière et le Vatican", Savine, Paris; "Au bord du gouffre", Librairie de l'art indépendant, Paris, 1897 (5).

----Dans sa préface à "Réaction" (1890) Jean Paul Clarens expose son état d'" esprit, c'est un esprit de réaction contre l'abaissement des caractères, la vénalité de la littérature, la corruption de l'art. Ce drapeau, c'est celui du spiritualisme, résolument opposé à celui du matérialisme naturaliste et dogmatique… " Le progrès n'est pas ascendant… " Quand des chimistes de la valeur de M. Taine viennent nous déclarer gravement que " le vice et la vertu sont des produits comme le vitriol et le sucre ", nous comprenons qu'il est téméraire de prononcer encore ce mot dans le sens enfantin que lui avaient donné les siècles "… " La crapulerie (6) est à son apogée. Toute la gamme des turpitudes inavouables a été fouillée avec toutes les nuances du dilettantisme, avec toute l'impudeur de la bestialité… Si M. Paul Bourget représente avec distinction l'aristocratie de la décadence, M. Pierre Loti personnifie dans son merveilleux talent toute une tendance où il est aisé de reconnaître l'inspiration du plus pur matérialisme. Notre sympathie envers son œuvre est trop sincère (7) pour que nous ne nous sentions pas un peu le droit de signaler dans cette rapide esquisse de la littérature contemporaine les lacunes inconscientes ou peut-être voulues de sa pensée philosophique… M. Pierre Loti nous trouble, nous émeut, nous enchante, mais il ne nous élève jamais. On sent sous les féeries de son style étrange, les ivresses d'une âme fascinée par les abîmes du néant boudhique , de l'attirant Nirvâna. Chez lui, pas de système, il est vrai, pas de doctrines préconçues, pas de thèse, mais une irrésistible pente à s'engloutir dans les ténèbres, comme d'autres ont, au contraire, l'aspiration vers la lumière " … " De toutes parts, les jeunes talents se révèlent, et sans parler de ces écrivains d'avant-garde, les Faustin Hélie, les Jean Berge, les Camille Roy, les Albert Géres, les de Larivière, les Boissin, les Fuster, les Gourdon, les Chauvigné, etc. qui ont su grouper autour de leurs vaillantes publications les noms les plus sympathiques de l'école spiritualités, quel mouvement extraordinaire de décentralisation !" Puis l'auteur défend le philosophe Joubert, etc (8) . Analyse du Bonheur de Sully-Prudhomme, épopée philosophique, où Faustus, amoureux de Stella, dédaigne la torpeur accablante des plaisirs sensuels poussé par l'aiguillon de la science - " chaque vers est un joyau, un pur diamant ".

----Jean-Paul Clarens contribue à la revue de théosophie le Lotus Bleu, paraissant à Paris à partir de mars 1890, où sont publiés des extraits de son livre "Portraits d'hier" et certains de ses poèmes dont les titres indiquent une référence à l'Inde : " Le rêve de Brahma " (1895, 6 mai p 130), " Karma " (à Arthur Arnould) (1895, 6 août p. 272), " Androgyne " (à Camille Flammarion) (1895 , 6 août p. 272), " Ascension " (1896 , 7 mars p. 38), " Devachan " (1896, 7 mai p. 136), " Au Dieu inconnu " ( 1896 , 7 juillet p. 231), " Là-bas " (1896 , 7 novembre p. 378) , " Fraternité " (1897 , 8 décembre p. 346).

----Clarens se présenta sans succès à l'Académie française. Il défendait les conceptions traditionnelles de la religion contre les matérialistes et "tueurs d'âmes" qu'étaient Loti et Renan. Il était "un croyant et un apôtre convaincu et ardent du spiritualisme, croyant de la foi chrétienne, au moins dans son principe, car, dans le détail, sa façon d'interpréter et de commenter les dogmes sentait souvent le fagot... Il rêvait comme tant d'autres, l'alliance de la Foi et de la Raison, et même celle de la Foi et de la Science. Il subtilisait volontiers, cherchait le fin du fin, et paraissait quelque peu démonté quand on le prenait en flagrant délit d'hérésie" (9) .
On disait qu'il s'adonnait au spiritisme, qu'il faisait tourner les tables, qu'il avait l'impression, quand il digérait, que les aliments passaient par son bras droit. Il ne pouvait dormir seul dans son château de Laroque: il avait l'impression, quand il dormait, que les meubles de sa chambre, dans l'obscurité, se mettaient en mouvement et s'apprêtaient à se jeter sur lui. Pendant son agonie (1905), il demanda que l'on fasse particulièrement attention en transportant le cercueil qui contiendrait sa dépouille, d'abord dans l'escalier, puis surtout sur la route qu'on empêche les chevaux de galoper là où il y avait des ornières (10) . Au tournant de l'année 1890, Clarens et son cousin, Jean Berge, avaient tissés des liens d'amitié avec Tailhade.

©Alain Servantie

1- Clarens, Réaction : J. Joubert - H. F. Amiel- Jules Breton - Caro - Sully-Prudhomme - M. Renan , Paris, Albert Savine, 1890 [les bonnes pages avaient été publiées dans la revue de Berge]

2- Le Lotus Bleu, 1895 v6 juillet p238 - Livres - `Heures vécues`, par Jean-Paul Clarens

3- Le Lotus Bleu, 1895 v 6 avril p87 - Livres - `Strada`, par Jean-Paul Clarens.

4- Le Lotus Bleu, 1896 v6 février p. 573 - Livres - `Eternelle douleur`, par Jean-Paul Clarens

5- Le Lotus Bleu, 1896, 7 décembre, p. 414 ; Livres, `Au bord du gouffre`, par Jean-Paul Clarens.

6- "Montmartre est devenu une cité de débauche crapuleuse " Léon Daudet, Paris vécu , 1930, 228.

7- Écrivains et penseurs, Ollendorff, 1885, Paris.

8- La Quinzaine littéraire et politique, n° 3 (1889) p. 212-219.

9- La Petite Gironde, dans A la mémoire de Jean Pierre Cabanes (Jean Paul Clarens), 16p. extraits de discours et notices nécrologiques, Bordeaux, Bibliothèque municipale, AP 8845; voir aussi Statistique Générale de la Gironde, III, Féret, 1889, et Camille Roy, "Jean-Paul Clarens, Revue du Siècle, avril 1888.

10- Descendants de la fille de Jean-Pierre Cabanes, Juliette Chesneau : Alice ép. Jean Boissarie (trois filles : Suzanne, Yvonne, Renée) ; Jean-Pierre Chesneau (3 filles : Anne-Marie, Françoise, Béatrice) ; Raoul Chesneau (enfants ? )

Œuvres

  • De l'Assistance publique. Les tours, par Jean-Pierre Cabanes,
    Bordeaux, imprimerie de A. Boussin, 1879, In-8 ° , 22 p.
    Cote BnF : 8- R PIECE- 991
  • De Usucapione. Privilège du bailleur d'images. Thèse pour la licence... 13-12-1879 par J. P. Cabanes, de Bordeaux
    Bordeaux, imprimerie A. Boussin, 1879, 52 p. ; in-8 °
    Cote BnF : 8- F4- 192
  • Profils bordelais. Ces Messieurs du barreau, avec une préface de Toby Flock (Alexis Doinet). 1re édition, Bordeaux, Feret et fils, 1883, In-8 ° , XXIV-114 p.
    Cote BnF 8- LN25- 261
  • La Névrose, monologue,
    Maleville, Bordeaux, 1884.
    Pas d'exemplaire localisé.
  • Bolivar, sa vie, son oeuvre
    Bordeaux, imprimerie de A. Bellier, 1884, In-8 °, 40 p., portrait.
    Cote BnF : 8- PZ- 595
  • Terre ou feu ?
    Publication, Paris : E. Dentu, 1885, In-12, 24 p.
    Cote BnF : 8- R PIECE- 3168
  • Écrivains et penseurs, essais critiques, précédés d'une lettre de M. Sully Prudhomme,...
    Paris, P. Ollendorff, 1886, In-18, 236 p.
    Cote BnF : 8- Z- 10600
  • Réaction : J. Joubert, H.-F. Amiel, Jules Breton, Caro, Gratry, Sully Prudhomme, M. Renan. Paris, A. Savine, 1890, (XXIII-335 p.) ; in-18
    En ligne sur Gallica
  • Le problème religieux au XIXe siècle, par Jules-Emile Alaux ; précédé d'une préface par Jean-Paul Clarens, Paris, F. Alcan, 1890, (XII-444 p.), in-8
    En ligne sur Gallica
  • Un grand ignoré, J. de Strada
    Paris, A. Savine, 1891, In-18, VIII-80 p.
    Cote BnF : Z RENAN- 2728
  • Portraits d'hier
    Paris, A. Savine, 1892, In-18, 213 p.
    Cote BnF : MICROFICHE M- 8658
  • Joubert,... Nouvelle édition, Paris, A. Savine, 1893, In-8 ° , VIII-114 p.
    Cote BnF : 8- LN27- 41522
  • Strada
    Paris, P. Ollendorff, 1894, In-8 ° , XII-227 p.
    Cote BnF : MFICHE 8- YE- 3795
  • Heures vécues
    Savine, 1895
    Pas d'exemplaire localisé.
  • Tête et coeur
    Paris, P. Ollendorff, 1895, In-16, XVI-158 p.
    Cote BnF : MFICHE 8- Z- 14025
  • M. Brunetière et le Vatican,
    Paris, Albert Savine, 1895. In-12, broché, couverture imprimée, 43 pp
    Pas d'exemplaire localisé.
  • L'éternelle douleur, poésies
    Paris, Ollendorf, 1896
    Pas d'exemplaire localisé.
  • Au bord du gouffre,
    Paris, Librairie de l'art indépendant, 1897
    Pas d'exemplaire localisé.
  • George Sand
    (S. l. n. d.)
    In-8 ° , paginé 537-547
    Cote BnF : MFICHE 8- LN27- 40121
  • Jules Breton, peintre et poète
    (S. l. n. d.), In-8 ° , 32 p.
    Cote BnF : MFICHE 8- LN27- 40118
  • Oeuvres posthumes
    (S. l. n. d.) Extrait de la Revue littéraire et artistique
    In-8 ° , paginé 429-440
    Cote BnF : MFICHE 8- R- 10518