Sonnet de Pâques

à Etienne Bladé

 

"Vous m'avez demandé, cher, un sonnet de Pâque.

Hélas! les gais refrains m'ont fui depuis longtemps,

Et, pendant les beaux soirs de ce nouveau printemps,

Nulle ne m'attendra près de la tour Saint-Jacque.

 

Les baisers et les vers, ces parfums des antans,

S'exhalent sans charmer le philistin opaque.

Les belles aux yeux clairs comme l'ambre et la laque

Ont détourné de moi leurs rires inconstants.

 

Cependant, puisqu'il faut qu'ici bas tout renaisse,

Qu'emportés malgré nous par l'immense jeunesse,

Nous prenons notre part dans le réveil humain,

 

Je veux dire, ce soir, à l'aube de l'année,

Quelle force, parfois, votre voix m'a donnée

Et que je suis meilleur à vous serrer la main.

 

Laurent Tailhade

(Inédit en volume et jamais repris ensuite, ce poème a paru dans le Bulletin de l'Académie des Muses Santones, novembre 1879, p.114)